dimanche 17 juin 2018

Il était une fois… l’Homo Clerckus Neanderthalensis of the Nine Hostages


Histoire familiale racontée par Antoine de Clerck 


Mes chers frères, cousins, cousines, oncles, tantes, neveux, nièces et tout ça,

Notre histoire familiale regorge de multiples légendes, transmises de générations en générations au coin d’un feu de charbon de bois rôtissant les merguez estivales, que l’on engloutit la bouche pleine de chips, sous le ciel changeant de Bretagne un après-midi de quinze août. Il faut dire que notre Mamine était aussi volubile qu’un griot bambara un soir de couronnement royal dans la capitale soninké. Une mémoire sans faille, un sens de la mise en scène légendaire, un humour à se rouler par terre. Lorsqu’elle trônait face au dolmen familial, entourée de sa tribu, aux membres presque innombrables, qu’elle pouvait pourtant nommer chacun par leur totem, sur lesquels jamais son regard bienveillant ne cillait, bien que nous fussions légèrement vêtus et déjà un peu ivres de cidre et d’hydromel, lorsque la fin des agapes arrivait et que le rituel était sur le point de commencer, sans qu’aucun signal ne vînt pourtant l’annoncer, le silence se faisait peu à peu. Même les chiens des Hervés, pourtant turbulents et fort mal élevés, comme chacun sait, arrêtaient de lécher les assiettes et les doudous des bébés, et s’allongeaient la tête sur les pattes à l’ombre de la table de pierre, prêts eux aussi à écouter avec délice les histoires de l’année.

J’ai eu l’immense chance, comme bon nombre de mes cousins aussi je l’espère, d’avoir reçu de Mamine, mais aussi de mon papa, de mes oncles et tantes, toutes ces histoires parfois rocambolesques, celle du Grand-Père Papillon ou bien de Jean Dit D’Oude, celle de la plaque dans l’église de Bruges que l’on cherche pendant des heures mais qui n’existe plus, toutes ces histoires du passé qui résonnent encore aujourd’hui.
Sur la fourrure synthétique du salon marocain de Port Manec’h, j’ai entendu mille fois les histoires d’isbas montées sur pattes de poules, ces baba yaga manuscrites reçues de l’arrière-grand-mère qui avait fréquenté la cour des tsars et des princesses russes. Lorsque le sabre d’enfant de Grand-Pa, une fois l’an, était exhumé du placard interdit, nous étions les chevaliers descendants de Lord Curson, combattant contre je ne sais quel comté britannique aux côtés du Prince Noir. D’une antique malle poussiéreuse sortaient des albums, aux photos jaunies par le temps, le voyage de noces à Nice, et les sourires des années folles. Les tickets de rationnement de la guerre, c’était l’occasion de raconter encore le chat que l’on avait mangé, Yves conçu vite fait à la barbe de la Gestapo entre deux voyages d’un représentant de commerce qui cachait bien son jeu, ou bien Hervé, arrivé neuf mois jour pour jour après que l’on ait entendu le poste de TSF cracher « Quand Veronese était un peintre… »

En scientifique loufoque de l’étape, je voudrais apporter ma modeste pierre à l’édifice de cette histoire commune, et partager avec vous ce que la génétique nous apprend de nos ancêtres. Oui, aujourd’hui, pour quelques dizaines d’euros, on peut cracher dans une éprouvette et quelques semaines après recevoir une analyse génético-généalogique en bonne et due forme, dont on pourra douter de la véracité scientifique, mais vous le verrez, en ce qui me – et donc nous- concerne en tout cas, le faisceau des convergences est troublant, ajoutant à mon sens, au moins autant de crédit à notre histoire que celle du Prince Noir ou de l’épopée russe. Remontons donc ensemble le cours de nos chromosomes et de l’histoire, si vous le voulez bien…

Des Flamands sur la route des Indes

Comme chacun sait, de Clerck c’est pas Corse ni Italien. Nous sommes Belges. Certifiés pures frites, pures gaufres. Et donc sans surprise, la génétique nous situe dans la lignée de Charlemagne, de ses compagnons et sujets, qui régnèrent et se reproduisirent sur le vaste territoire du Royaume des Francs, englobant peu ou prou la France, la Belgique, la Hollande, l’Allemagne et l’Autriche actuels. Logique.

   Ce tableau montre la proportion de mes gènes pouvant être rattachées à différentes origines géographiques.

Remarquez ensuite l’héritage Britannique significatif, la lignée « Lord Curson » et cette histoire de Prince Noir ne seraient donc pas seulement une légende, et l’attirance indéniable pour les climats et les terres maritimes du Grand Ouest trouve donc tous son sens. Navigateurs bourlingueurs nos ancêtres étaient, ainsi sommes-nous et serons. 
Ensuite il y a un tout petit peu plus exotique. Le côté Ibérique explique-t-il la mauvaise foi sanguine de certains d’entre nous ? Certains ont voulu renouer avec des racines balkaniques devenues ténues, afin qu’elles ne s’effacent point, sans doute, en épousant une Grecque vierge qualité supérieure, première pression à froid. Le soupçon de cellules scandinaves pourrait expliquer des allures légèrement Viking, que, par exemple, je ne peux moi-même pas cacher. Pour finir, « Broadly Northwestern European » englobe le royaume de Russie, donc on peut aussi caser cette partie-là de l’histoire, même si elle est probablement condamnée à rester aussi floue qu’un petit matin après une nuit arrosée de vodka frelatée.
Tout cela nous amène dans les années 1700, date d’ailleurs à laquelle les traces connues de notre lignée se perdent, entre le journal de bord d’un commandant de galion battant pavillon brugeois et faisant route vers les Indes, et les stèles disparues du cimetière d’Ostende. C’est donc à ce stade qu’il faut faire toute sa place à la science.

Niall of the Nine Hostages, un nouveau héros à inscrire à notre patrimoine

J’appartiens au haplogroupe R-U152. Rien que ça. C’est mon haplogroupe paternel, et donc le vôtre aussi, si vous portez le nom de Clerck ou l’avez hérité de votre père. C’est quoi cette histoire d’haplogroupe ? Tandis que nos lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs sillonnent le globe durant des milliers d’années, ils se répartissent en divers groupes dont les migrations peuvent être suivies grâce au haplogroupe, un groupe humai

n possédant un grand nombre de marqueurs génétiques communs. On peut ainsi retracer les lignées de familles ayant un ancêtre commun. L’haplogroupe paternel retrace la lignée des hommes de notre ascendance paternelle.
Et c’est là que la science et l’Histoire avec une majuscule se rejoignent. Accrochez-vous à votre branche d’arbre généalogique : l’haplogroupe R-U152 descend lui-même de l’haplogroupe RM-269 dont on trouve les traces jusqu’il y a 10,000 ans. Et ? Surprise ! Nous sommes trois millions de cousins RM-269 qui partagent un ancêtre commun avec le légendaire Niall of the Nine Hostages, roi de Tara, qui fonda la dynastie Uí Néill et régna sur l’Irlande depuis le Ve jusqu’au VIIe siècle de notre ère. Niall Noigiallach (Niall aux neuf otages) aurait été l’un des derniers rois de religion celte, avant que Saint Patrick n’y mette bon ordre.  Cairenn, la mère de Niall, belle princesse saxonne réduite en esclavage après un raid de pirates scots, est prise pour seconde épouse par le roi de Tara. Cairenn, enceinte, est forcée par la première épouse du roi, jalouse, à des travaux pénibles, espérant ainsi la fausse couche. Elle met au monde néanmoins, en secret, et craignant les pouvoirs maléfiques de la marâtre, abandonne l’enfant aux oiseaux de la plaine de Tara. Il est recueilli par un barde, qui eut la révélation de sa lignée et de sa grandeur future. L’enfant devenu grand, le barde le présenta à la cour. Niall libéra alors sa mère de ses travaux forcés, et après moultes péripéties et évitement de sorts, il fut mis au défi d’une nuit d’amour avec une sorcière, dont il s’acquitta fort bien, cette dernière se révélant par la suite être une belle jeune fille qui lui accorda la royauté au désespoir de ses frères aînés déchus. Sa dynastie régna ensuite sur l’Irlande pendant trente-six générations. Il semble qu’il gagna son surnom en raison des neufs otages qu’il reçut en gage d’allégeance lors de son couronnement, des cinq provinces d’Irlande et des quatre d’Ecosse.



Tous africains, perses et arabes

Ma lignée paternelle, et notre lignée grand-paternelle et arrière-grand et arrière-arrière-grand paternelle etc. provient d'une branche les plus prolifiques de l'ouest de l'Eurasie. Apparue il y a environ 10 000 ans, lorsque les habitants du Croissant Fertile ont domestiqué des plantes et des animaux pour la première fois. Il y a environ 8 000 ans, les premiers agriculteurs et éleveurs ont commencé à se diriger vers l'est en Asie centrale et vers le nord dans les montagnes du Caucase. Certains d'entre eux ont finalement atteint les steppes au-dessus des mers Noire et Caspienne. Là, ils vivaient comme des pasteurs nomades, élevant bétail et moutons à travers les prairies, tandis que leurs voisins du sud développaient une autre technologie cruciale dans l'histoire de l’humanité : la fonderie de bronze. Au fur et à mesure que les outils en bronze et les armes se propageaient vers le nord, un nouveau peuple de la steppe appelé Yamnaya était née.
Il y a environ 5 000 ans, peut-être à la suite d’une vague de froid qui rendait difficile l'alimentation de leurs troupeaux, les hommes de Yamnaya se sont répandus à l'est à travers la Sibérie et en Asie centrale. À l'ouest, ils ont poussé vers les Balkans et en Europe centrale, où ils ont cherché de nouveaux pâturages pour leurs troupeaux et des mines de métal pour soutenir le commerce florissant de l'âge du bronze. Au fil du temps, leurs descendants se sont étendus de l'Europe centrale à la côte Atlantique, établissant de nouvelles routes commerciales et un niveau sans précédent de contacts et d'échanges culturels en Europe occidentale.
Les hommes des steppes ont également surpassé les autochtones pendant leur migration ; leur succès est démontré dans la domination écrasante de la lignée R-M269 en Europe. Plus de 80% des hommes en Irlande et au Pays de Galles portent l'haplogroupe, tout comme plus de 60% des hommes le long de la côte Atlantique, de l'Espagne à la France. La fréquence de R-M269 diminue progressivement vers l'Est, tombant à environ 30% en Allemagne, 20% en Pologne, et 10-15% en Grèce et en Turquie. L'haplogroupe relie tous ces hommes à d'autres encore dans le plateau Iranien et en Asie centrale, où entre 5 et 10% des hommes en portent également la lignée.


 Et avant ça ? Avant ça, nous étions Perses, il y a 50 000 ans, Arabes il y a 75 000 ans et Africains il y a 275 000 ans. C’est l’homme A. Nôtre ancêtre le plus anciens jamais identifié. Qui grandit près des sources du Nil. A qui les Clerck doivent leur existence sur terre, à n’en pas douter. Je trouve pour ma part fascinant de voir comment notre petite histoire familiale prend sa place dans la Grande Histoire de l’Humanité.

Homo Clerckus Neanderthalensis

Mon grand-père au 2 000ème degré (environ, hein!) était un Néandertal. Même si mes gènes néandertaliens ne constituent qu’un petit 4% de mon patrimoine génétique, j’en possède plus que 97% de la population générale. Autant dire que la lignée Clerck est très typée Néandertal.

Proche cousin de l’homo sapiens, avec qui il partage un commun ancêtre d’il y a, genre, 600 000 ans, l’homo neanderthalensis jouit d’une réputation de bête de foire, entre primate et homme des cavernes, tout à fait fausse. Rappelons au passage que celui qu’on appelle l’homme de Cro-Magnon était un Sapiens. Il faut donc réhabiliter Néandertal, et pas seulement parce que c’est notre arrière-arrière-arrière-arrière grand-père. D’apparence plus trapue et bien plus fort que Sapiens, il est apparu et s’est développé en Asie, au Moyen-Orient et en Europe. Il était doté de capacités cognitives très avancées, en témoigne sa maitrise du feu, de la taille de la pierre, de la chasse et de la médecine par les herbes. Il maitrisait les pigments et la gravure également, et enterrait ses morts, témoin de ses capacités abstractives et spirituelles. La partie intéressante, qui explique la présence de ses gènes dans les nôtres, est que Neandertal et Sapiens ont donné lieu à des « accouplements féconds ». Autrement dit, ils ont fait la bagatelle, quoi. Il n’en fallait pas plus pour que de prudes ignorants qualifient Néandertal de sacré queutard. Je dirais plutôt qu’il était ouvert à de nouvelles expériences. Toujours est-il que pendant quelques millénaires, Sapiens venant d’Afrique et Neandertal, déjà installé sur la plaque Eurasiatique, ont cohabité dans le plus grand pêché. Européens et Asiatiques ont donc hérité entre 1% et 5% de leur gènes de Néandertal, tandis qu’Africains n’en ont aucun, walou, rien, purs Sapiens. On ne sait pas encore expliquer la disparition de Néandertal, une des hypothèses la plus plausible est qu’il évoluait en petits groupes nomades éparpillés, ce qui était peu favorable à la diversité génétique de ses tribus, qui à force de consanguinité, auraient ainsi montré moins de résistance aux nouvelles maladies et se seraient progressivement éteintes. Morale de l’histoire : vive le métissage, c’est une richesse, une force, un gage de survie de l’espèce. N’empêche que Néandertal a vécu environ 200 000 ans, ce qui n’est pas rien. Nous les Sapiens, nous en sommes justement à peu près à 200 000 ans d’existence, et à vrai dire, je ne suis pas certain que nous soyons suffisamment intelligents pour ne pas auto-détruire l’espèce, à force de bêtise guerrière, d’appétit du gain et du pouvoir, et de pollution de la planète.



« Neandertal rule🤘 », Musée de l’Homme, Paris


Merci, au revoir et à la prochaine !
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Pour ceux que cela passionne, faites-moi signe, je vous donnerai accès aux documents génétiques complets réalisés par 23andMe (family members only). Et dans une prochaine chronique je vous raconterai l’origine de mes différents patronymes, dont Souamara Zié Djan reçus de mes compagnons Bambaras et أنطؤيل (prononcer Antawil) dont m’affublent mes amis du Royaume Chérifien. D’ici là, portez-vous bien, et rendez-vous, mes cousins R-U152, près du feu devant le dolmen breton au mois d’août !

Je vous embrasse,

Antoine Souamara Zié Djan al Tawil of the Nine Hostages


lundi 5 février 2018

65 ans après...


    Il y a 65 ans, mes parents célébraient 
 leurs noces d'argent devant le Taj Mahal
  A notre tour aujourd'hui, nous célébrons 
 nos noces d'or devant ce même monument 
          dédié à l'Amour.      

jeudi 18 janvier 2018

Un voyage immobile


Quatre compères qui se connaissent depuis plusieurs décennies et après de très nombreux voyages en commun ou séparément ont décidé de poser leurs sacs dans un endroit mythique (proche de Rishikesh en Inde) pour passer trois petites semaines à Vana (Derhadun) dans les contreforts de l’Himalaya et se laisser embarquer dans un « voyage immobile » mêlant médecines (chinoise, indienne, tibétaine), yoga, méditation, respiration, et diète… 
C’est ce chemin qu’ils vous invitent à emprunter aujourd’hui avec ce lien: https://bit.ly/2HQ1F60